Le droit de préemption est une notion juridique généralement issue du droit de l’urbanisme.
Prévu par le Code civil, c’est un mécanisme qui confère à un tiers ou une collectivité territoriale le privilège d’acquérir un bien avant tout autre acquéreur. Comprendre le fonctionnement de ce droit est essentiel pour les acteurs du marché immobilier.
Dans cet article, on vous explique tout ce qu’il faut savoir sur le droit de préemption.
Droit de préemption : c’est quoi exactement ?
Selon le bénéficiaire du droit de préemption, on distingue deux grandes catégories :
- Le droit de préemption en faveur d’une personne physique ;
- Le droit de préemption au profit d’une commune.
Les droits de préemption concernant les collectivités publiques
Une commune peut acquérir en priorité un bien immobilier mis en vente, grâce aux droits de préemption des collectivités territoriales. C’est le Code de l’urbanisme qui le prévoit en son article L210-1.
Il s’agit de droits reconnus à une municipalité en vue de la réalisation d'opérations d’intérêt général.
Il y a trois sortes de droits de préemption selon les situations.
Le droit de préemption dans les zones d'aménagement différé (ZAD)
Des zones d'aménagement différé (ZAD) peuvent être définies sur le territoire d'une ville, avec l'accord de la commune selon les articles L212-1 et L211-2 du Code de l'urbanisme. Ce sont des zones non aménagées qui ont vocation à accueillir un projet d'aménagement territorial.
Le droit de préemption lié aux ZAD peut être exercé par la commune ou par le prestataire privé chargé de réaliser le projet d’aménagement.
Si un bien situé dans une de ces zones est mis en vente, la ville peut se substituer l'acquérir à l'acheteur et à l’acquérir en priorité. Ce droit est valable pour six ans (renouvelables) à compter de la date de création de la zone.
Le droit de préemption dans les espaces sensibles naturels
Le droit de préemption dans les espaces sensibles naturels est un droit qui permet aux collectivités territoriales de protéger des zones qui présentent un intérêt écologique ou paysager.
Ce droit est généralement exercé par le département ou délégué par celui-ci au conservatoire du littoral.
Le droit de préemption urbain (DPU)
C’est un droit qui permet à une commune dotée d'un plan local d'urbanisme (PLU) publié de racheter en priorité des biens immobiliers mis en vente dans une zone définie en vertu de l'article L211-1 du Code de l'urbanisme.
Le droit de préemption urbain désigne ainsi la préemption au profit de la mairie. C'est le plus fréquent parmi les droits de préemption au profit des communes.
Le DPU peut s'appliquer notamment dans les cas énumérés dans l'article L300-1 du Code de l'urbanisme, tels que :
- Création d’équipements collectifs ;
- Création de logements sociaux ;
- Développement ou accueil d’activités économiques (commerces ou petits artisanats) ;
- Lutte contre l'insalubrité ;
- Renouvellement urbain (reconstruction de quartiers) ;
- Etc.
Le droit de préemption au profit des locataires
C’est un droit qui permet au locataire d'un bien immobilier mis en vente par le propriétaire de l'acheter en priorité, pour le protéger.
Ce droit s'applique dans deux situations.
Dans le cadre de la vente d'un bien en location
L'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 stipule que le propriétaire qui souhaite mettre en vente un bien en location est tenu de donner priorité à son locataire pour l’achat du bien.
Selon cette disposition, la notification de congé fait aussi office d’offre de vente proposée au locataire.
Il s’agit donc d’un droit de préemption lui permettant d'acquérir le bien de manière légale.
Dans le contexte de la subdivision d'un bien loué
Lorsque le propriétaire décide de céder un ou plusieurs locaux à usage d'habitation suite à la division d'un immeuble, le locataire bénéficie également d'un droit de préemption. Cette disposition vaut même s’il s’agit de locaux à usage mixte.
Le vendeur est alors tenu de proposer une offre de vente à son locataire en priorité. Le non-respect de cette obligation entache la transaction d’une nullité.
{{guide-investisseur-2="https://www.bevouac.com/composants-dynamiques"}}
La différence entre le droit de préemption simple et renforcé
Le droit de préemption simple et le droit de préemption renforcé se distinguent par les périmètres où ils s'appliquent et par l'étendue du droit accordé à la collectivité.
Droit de préemption simple
Le droit de préemption simple correspond à la procédure standard. Il autorise certaines entités telles que les collectivités publiques, les personnes physiques ou morales, à acquérir un bien immobilier à la place de l'acheteur initial.
Cette mesure est mise en œuvre dans le cadre de la réalisation d'un projet d'utilité générale.
Droit de préemption renforcé
Le droit de préemption renforcé est instauré dans des zones urbaines nécessitant une régulation plus stricte. Il vise à exercer un contrôle accru sur l'aménagement du territoire.
Ce dispositif permet à la collectivité de délimiter des périmètres de préemption. Dans ces périmètres, la collectivité est autorisée à exercer son droit de préemption sur un bien mis en vente. Selon les besoins spécifiques de la zone en question, il peut également le :
- Diviser ;
- Regrouper ;
- Lotir ;
- Réaménager.
{{guide-investisseur-2="https://www.bevouac.com/composants-dynamiques"}}
Comment se passe le droit de préemption ?
Pour exercer son droit de préemption, le titulaire doit être informé de la vente du bien par le vendeur. Celui-ci doit adresser une déclaration d'intention d'aliéner (DIA).
Le titulaire du droit de préemption, la collectivité ou un locataire par exemple, dispose d'un délai pour accepter ou refuser l'offre de vente.
Le DIA doit être rédigé par un notaire et indiquer les informations suivantes :
- Le prix fixé de la vente ;
- Les conditions de la vente ;
- Les informations obligatoires.
S'il accepte, il doit payer le prix du bien au vendeur, selon les mêmes modalités que celles proposées à l'acheteur initial.
S'il refuse ou renonce à son droit de préemption, le vendeur peut vendre son bien librement à l'acheteur de son choix.
Quand s'applique le droit de préemption ?
Le droit de préemption s'applique pour le locataire dès que le propriétaire l’informe de son intention de vendre le logement.
Il est essentiel de noter que le propriétaire est tenu d'informer le locataire de son intention de vendre au moins 6 mois avant la fin du bail de location.
Ainsi, le déclenchement du droit de préemption pour le locataire est lié à cette notification préalable du propriétaire.
Quelle est sa durée ?
La durée du droit de préemption varie selon le type de droit et le titulaire du droit. En général, le titulaire du droit dispose d'un délai de deux mois pour accepter ou refuser l'offre de vente du bien. Voici des exemples de durées du droit de préemption :
- Le droit de préemption urbain: deux mois ;
- Le droit de préemption dans les zones d'aménagement différé : six ans renouvelable ;
- Le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles : deux mois ;
- Le droit de préemption au profit des locataires : deux mois.
{{guide-investisseur-2="https://www.bevouac.com/composants-dynamiques"}}
Qui fixe le prix en cas de préemption ?
Le prix en cas de préemption est normalement fixé par le propriétaire vendeur, qui doit proposer son offre au titulaire du droit de préemption. Celui-ci peut accepter le prix, renoncer à la vente du bien, ou refuser le prix suggéré.
Si elle refuse le prix initial, la mairie ou la personne titulaire du droit de préemption peut proposer un prix inférieur.
Le propriétaire dispose alors de 2 mois pour accepter ou refuser le prix. Dans ce dernier cas, la mairie peut saisir le juge de l'expropriation. Celui-ci se charge alors de fixer le prix définitif du bien, en tenant compte de sa valeur réelle sur le marché.
Comment se passe une préemption de la mairie ?
Voici comment se déroule généralement une préemption de la mairie :
- Notification au propriétaire. Lorsque le propriétaire souhaite vendre son bien, la mairie doit être informée de cette intention via une DIA.
- Exercice du droit de préemption. Si la municipalité décide d'acquérir le bien, elle notifiera formellement au propriétaire.
- Acquisition du bien. Une fois que la mairie a notifié son intention et que les parties parviennent à un accord sur le prix, la municipalité procède à l'acquisition du bien.
- Utilisation conforme. La municipalité peut acquérir le bien en vue de réaliser des projets d'intérêt public, de promouvoir le développement urbain, etc.
Comment faire pour ne pas se faire préempter ?
Pour ne pas se faire préempter, vous pouvez essayer de contester le droit de préemption si vous pensez qu'il est illégal ou abusif. Pour cela, vous devez :
- Saisir le tribunal administratif compétent dans un délai de deux mois après avoir reçu la décision de préemption.
- Contester le fond ou la forme de la décision, en apportant des preuves que le motif de préemption n'est pas conforme à la loi.
- Demander l'annulation de la décision ou la fixation d'un prix plus juste.
Vous pouvez aussi essayer de le faire annuler à condition de :
- Respecter un délai de cinq ans après que la collectivité ait acquis le bien.
- Prouver que la collectivité n'a plus l'intention de réaliser une opération d'intérêt général avec le bien préempté.
En réalité, l'existence du droit de préemption urbain n'est pas forcément un mauvais signe. En effet, la mairie ne le fait valoir que dans 1 % des cas.
{{guide-investisseur-2="https://www.bevouac.com/composants-dynamiques"}}
Peut-on accélérer le droit de préemption ?
Le délai peut être raccourci, à la demande de l'acquéreur tout comme il peut être prolongé, à la demande du vendeur.
Dans les deux cas, la municipalité doit être disposée à le faciliter.
Pour ce faire :
- Rendez-vous à la mairie ;
- Sollicitez un suivi du dossier ;
- Mettez en avant le caractère urgent de la situation de vente.
Peut-on contester une décision de préemption ?
Il est possible de contester une décision de préemption si on a un intérêt à agir, c'est-à-dire si on est le propriétaire ou l'acquéreur évincé du bien.
On peut contester la décision sur le fond, si on estime que le motif de préemption est illégal ou abusif. En revanche sur la forme, si on estime que la procédure n'a pas été respectée.
Pour cela, on doit saisir le tribunal administratif compétent. On peut demander l'annulation de la décision ou la fixation d'un prix plus juste.
En conclusion, encadré par des règles juridiques strictes, le droit de préemption implique généralement une notification préalable au bénéficiaire. La contestation d'un tel droit est également envisageable dans le cas d'éventuels motifs illégitimes ou abusifs.
Ainsi, une compréhension approfondie du fonctionnement du droit de préemption est essentielle pour toutes les parties impliquées dans des transactions immobilières.