Dans les zones concernées par l’encadrement des loyers, les propriétaires peuvent fixer un loyer supérieur aux limites de loyer légales en utilisant le complément de loyer. Il est important de comprendre dans quelles situations cela est autorisé. En effet, cette pratique est encadrée par des règles spécifiques visant à garantir la transparence et la légalité des montants exigés. On fait le point sur ces règles essentielles.
Le complément de loyer : définition
Le complément de loyer est une somme que le propriétaire peut demander au locataire en plus du loyer de base, lorsque le logement présente des caractéristiques de confort ou de localisation particulières.
En d’autres termes, il s'agit d’une partie du montant total du loyer, avec le loyer de base (hors charge). Il s'agit donc d'un montant supplémentaire ajouté au loyer de base du locataire.
Le mécanisme du complément de loyer est apparu avec les mesures d’encadrement de loyer instaurées par la loi Alur du 27 mars 2014. En vertu de cette dernière, le montant maximum des loyers praticables dans certaines villes est fixé de manière réglementaire et il est interdit de le dépasser. Cette mesure tend ainsi à faciliter l’accès de tous au logement et à réguler le marché immobilier. Elle est toutefois défavorable pour le propriétaire qui perd la liberté de fixer librement son loyer.
Le complément de loyer permet donc, sous conditions, au propriétaire de faire valoir certains aspects distinctifs de son logement afin de rehausser son loyer. Ces aspects distinctifs peuvent aussi bien porter sur des facteurs internes (niveau de confort supérieur, terrasse spacieuse, etc.) que sur des facteurs externes (vue imprenable). Ce dispositif est donc un moyen pour le propriétaire d’optimiser la rentabilité de son loyer.
Le complément de loyer est donc, pour le propriétaire, un moyen de déroger à cette limitation. Il n’est donc valable que dans certaines zones géographiques spécifiques et seulement pour les baux signés après juin 2019.
Les conditions pour l’appliquer
Pour appliquer le complément de loyer, il faut respecter les conditions suivantes :
- Le logement doit être situé dans une zone tendue, c'est-à-dire une zone où l'offre de logements est inférieure à la demande. Il s’agit donc d’une zone où le loyer de base est encadré par un arrêté préfectoral.
- Le logement doit présenter des caractéristiques de confort ou de localisation particulières, qui ne sont pas prises en compte par les critères de fixation du loyer de base. On peut citer, par exemple, une vue exceptionnelle, une piscine, une proximité avec les transports, des équipements recherchés, etc. Ces caractéristiques doivent être déterminantes pour le choix du locataire et ne pas être courantes dans le voisinage.
- Le propriétaire doit mentionner le montant du complément de loyer dans le contrat de bail (ayant été signé à partir du 1er mars 2020), ainsi que les caractéristiques qui le justifient. Il doit également indiquer que le locataire peut contester le complément de loyer dans un délai de trois mois après la signature du bail ou après la notification d'une augmentation du loyer.
- Le locataire doit accepter le montant du complément de loyer et signer le contrat de bail. S'il conteste le complément de loyer, il peut saisir la commission départementale de conciliation ou le juge des contentieux de la protection.
Dans quelles situations est-il interdit ?
Sachez que même si votre logement offre une vue imprenable sur un des plus beaux monuments de Paris, le complément de loyer ne pourrait pas être appliqué s'il est mal isolé.
Cette restriction découle de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018, modifié par la loi Pouvoir d'achat du 16 août 2022 : "Aucun complément de loyer ne peut être appliqué lorsque le logement présente un niveau de performance énergétique de classe F ou de classe G". La mesure est applicable pour les baux conclus, renouvelés ou tacitement reconduits à partir du 24 août 2022. D’ailleurs, à titre de rappel, cette même mesure a aussi décrété l’interdiction d’augmenter le loyer pour tous les logements considérés comme des passoires thermiques
Par ailleurs, voici d'autres caractéristiques d'un logement qui peuvent empêcher l'application d'un complément de loyer :
- Une mauvaise exposition de la pièce principale
- Des problèmes d'évacuation d'eau durant le trimestre précédent
- Un vis-à-vis à moins de 10 mètres
- Des toilettes sur le palier
- Une installation électrique dégradée
- Des traces d'humidité sur les murs
- Des problèmes d'isolation thermique des murs ou du toit
- Des fenêtres laissant passer anormalement l'air hors grille de ventilation
- Des infiltrations ou des inondations venant de l'extérieur du logement.
Comment le locataire peut contester ce complément de loyer ?
Le locataire qui souhaite contester le complément de loyer dispose d'un délai de 3 mois pour agir, à compter de la signature du bail. Dans ce délai, il doit saisir la commission départementale de conciliation du lieu du logement (CDC).
La saisine de la CDC se fait par lettre recommandée avec accusé de réception, en exposant les motifs de la contestation et en joignant les pièces justificatives (bail, quittance de loyer, etc.). La CDC convoque ensuite les parties à une réunion de conciliation, qui peut aboutir à un accord ou à un désaccord.
Exemple concret
M. Dupont loue un appartement de 40 m² à Paris, pour 900 € par mois. Le bail mentionne un complément de loyer de 100 € par mois, au motif que l'appartement dispose d'un balcon avec une vue sur la Tour Eiffel. Il estime que ce complément de loyer est abusif, car il n'en a pas été informé avant la signature du bail.
M. Dupont décide donc de contester dans les 3 mois qui suivent la signature du bail. Il envoie une lettre recommandée avec accusé de réception à la CDC.
La CDC convoque M. Dupont et son propriétaire. Au cours de la réunion, M. Dupont explique que le complément de loyer n'est pas justifié. Quant au propriétaire, il soutient que ce dernier est légitime, car il reflète la valeur ajoutée avec la vue sur la Tour Eiffel. Il affirme que le complément de loyer a été mentionné dans le bail que M. Dupont a signé.
La CDC donne un avis favorable à M. Dupont. Elle propose donc au propriétaire de supprimer le complément de loyer et de rembourser à M. Dupont les sommes indûment perçues depuis le début du bail. Le propriétaire refuse cette proposition et maintient sa position.
M. Dupont décide alors de saisir le tribunal judiciaire compétent. Il envoie une nouvelle lettre au propriétaire, indiquant qu'il a saisi le tribunal. Il lui demande une dernière fois de supprimer le complément de loyer et de lui rembourser. Il joint à sa lettre une copie de l'avis rendu par la CDC et des pièces justificatives y afférentes.
Le tribunal rend son jugement quelques mois plus tard. Il annule le complément de loyer et ordonne au propriétaire de le supprimer et de rembourser à M. Dupont avec intérêts au taux légal. Il condamne le propriétaire à payer à M. Dupont une indemnité pour préjudice moral et des frais d'avocat.
Les compléments de loyer selon les villes
Plusieurs villes sont concernées par le complément de loyer, notamment :
Paris
De nombreux propriétaires parisiens souhaitent valoriser le caractère unique de leur bien immobilier en appliquant un complément de loyer. La capitale dispose en effet de nombreux logements anciens situés dans des lieux exceptionnels sur le plan touristique.
Ainsi, Paris présente un marché immobilier favorable à l'usage de compléments de loyer. Certains logements offrent des particularités telles que des terrasses sur les toits, des panoramas sur des monuments historiques.
Pour ces propriétés, il est donc possible d'ajouter une clause dans les contrats de location permettant le versement d'un complément de loyer. À Paris, les compléments de loyer concernent les contrats de location signés ou renouvelés depuis juin 2019. Cette règle s'applique aux baux signés depuis mai 2021 notamment dans les 9 villes de Plaine Commune.
Lyon
Tout comme Villeurbanne, la ville de Lyon a récemment mis en place l'encadrement des loyers pour faire face à la forte tension qui règne sur leur marché de la location. Cette mesure de complément de loyer ne s'applique qu'aux nouveaux contrats de location conclus ou renouvelés à partir d'octobre 2021 dans cette zone.
Dans ce cadre, le loyer de référence majoré est établi comme la limite maximale, ne pouvant être dépassée que grâce à l'utilisation du complément de loyer. De plus, les plafonds de l'encadrement sont sujets à une révision annuelle afin de prendre en considération toute évolution potentielle du marché.
Lille
Lille, Hellemmes et Lomme sont, à l'instar de Paris, assujetties à l'encadrement des loyers. Cette mesure a pour objectif de réguler un marché où les loyers médians pour les logements de petite taille atteignent des niveaux très élevés. Elle est initiée par la mairie, puis approuvée par le gouvernement, qui donne son accord.
En fin de compte, le montant des plafonds de loyers est fixé par le préfet. Concernant Lille, Hellemmes et Lomme, l'encadrement des loyers s'applique aux nouveaux contrats de location conclus ou renouvelés à partir de février 2020. Toutefois, il est possible de dépasser les plafonds des loyers encadrés dans des cas exceptionnels grâce à l'utilisation du complément de loyer.
En résumé, le complément de loyer est un montant additionnel que le propriétaire peut demander au locataire en fonction de caractéristiques spécifiques du logement. Soumis à des règles strictes, son application est encadrée par la loi pour éviter les abus. Le complément de loyer, ainsi défini, permet de garantir une meilleure régulation des loyers sur le marché locatif.